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Trois Jours à Nice – Festival NICE FICTIONS 2018

June 15, 2018

Nous ne sommes pas seuls. Les membres de notre tribu sont partout. Bien qu’ils fassent un travail solitaire, parfois les écrivains et les artistes se rassemblent, et là où ils se rassemblent brille une rare lumière.

Le week-end dernier, j’ai eu le privilège d’être invitée d’honneur à Nice Fictions, depuis quatre ans festival de science-fiction, de fantasy, et de fantastique, dans cette belle ville du sud de la France. C’est un festival qui incarne la philosophie du transmédia en intégrant dans un seul événement les activités créatives dans la littérature, les jeux de rôle, l’illustration, les jeux vidéo, et beaucoup d’autres. C’est un festival encore jeune, d’une échelle modeste, mais qui vise haut.

Jérôme et Sybille !

Le festival est organisé par une équipe enthousiaste et accueillante, menée par Sybille Marchetto et Jérôme Gayol, dont j’avais fait la connaissance en 2017 aux Utopiales de Nantes. Sybille et Jérôme ont rassemblé des gens passionnés pendant les 4 ans de Nice Fictions. Ils éditent même une anthologie de nouvelles écrites par les invités, aux éditions Les Vagabonds du Rêve, pour célébrer le thème de chaque année. Nice Fictions est amical, détendu, mais il est clair qu’une organisation dynamique se trouve à son coeur.

J’étais invitée au pôle de jeux de rôle de Nice Fictions, sous l’égide de Samy Bend et d’Aldo Pappacoda, auteur de Chiaroscuro, de l’Empire du Soleil Défunt, et d’autres, deux hommes merveilleux qui étaient mes ancres et mes guides pour tout le week-end. Je faisais partie d’une bonne soixantaine de créateurs invités, de tous genres, venant la plupart de Nice et du sud de la France, pour montrer nos créations et en parler. Et aussi, dans le cas du pôle de jdr, pour en animer des parties – samedi soir a eu lieu un grand “nocturne” de plusieurs tables de jeux de rôle, où une trentaine de joueurs ont exploré des mondes fictifs jusque tard dans la nuit.

Mindjammer version française – moi qui mène, Giulio à gauche !

J’ai mené une partie de Mindjammer – version française! -, le premier épisode d’un scénario que je suis en train d’écrire autour d’un grand mystère de la Noosphère, l’« internet interstellaire » de la Nouvelle Communalité. J’ai été frappée par la qualité des joueurs, la façon dont ils ont dirigé leur enquête et nous ont menés vers des révélations que même moi je n’avais pas imaginées ! Et, en plus, par le fait que parmi les 6 joueurs nous avions 3 femmes, donc une table de 4 femmes et de 3 hommes. Ça devient de plus en plus normal de nos jours, mais je me souviens bien de l’époque où les femmes étaient encore rares dans le monde des jeux de rôle. Nous devons nous féliciter pour les évolutions et les révolutions que nous avons réussies !

Tout ça, c’est déjà génial pour un festival, mais il y avait encore un aspect de Nice Fictions qui était très fort – pour moi, peut-être le plus fort. C’était la présence d’une vraie communauté de créateurs au festival, et la façon dont celui-ci était structuré pour encourager les échanges entre les écrivains et les artistes. Souvent les festivals sont organisés uniquement en fonction des besoins du public. C’est naturel – le public est la plus grande raison d’être des festivals. Mais pas la seule : à mon avis, un bon festival doit aussi s’adresser à la créativité, tenter d’établir un endroit où les créateurs puissent interagir, pas seulement avec leurs lecteurs, leurs joueurs, leur public, mais aussi les uns avec les autres. On parle beaucoup d’interdisciplinarité, on estime que c’est dans les échanges que l’on trouve l’inspiration. À Nice Fictions j’ai trouvé un endroit où cette approche est devenue une réalité.

D’abord, il y a eu beaucoup de conférences. Presque chaque heure, quelque chose se déroulait dans l’un ou même dans les deux amphithéâtres du festival. Des vraies conférences : pas du tout de simples présentations publicitaires ou des discussions simplifiées, où trop de préparation peut étouffer l’inspiration. Non, les conférences de Nice Fictions étaient de vrais échanges d’idées, stimulants, excitants. J’ai participé à deux d’entre elles, et j’ai assisté, dans le public, à quatre autres. J’ai pris des pages entières de notes.

À part les conférences, la communauté de créateurs fonctionnait aussi bien dans les salles du festival. C’était peut-être que le nombre d’invités correspondait bien à l’échelle du festival. Nous n’étions ni trop, ni trop peu nombreux. Nous approchions peut-être ce “nombre d’or” où les échanges s’embrasent naturellement, partout, tout le temps. Ça m’a rappelé FantasyCon et EasterCon au Royaume-Uni.

Donc pour moi c’était un festival de belles rencontres. J’ai été invitée grâce à Giulio Cesare Giorgini et à Ugo Bellagamba, qui me connaissaient en tant que backers du Kickstarter de Mindjammer. Tous les deux travaillent comme professeurs (de droit et d’histoire du droit) à l’université de Nice et sont passionnés par le concept de transhumanisme. Ugo Bellagamba est aussi bien sûr écrivain de science-fiction, auteur d’œuvres telles que La Cité du Soleil et Tancrède, qui a reçu le Prix européen des Pays de la Loire aux Utopiales 2010 et le Prix Rosny Aîné 2010. Imaginez le clone hybride de Borges et d’Umberto Eco avec une casquette de science-fiction – c’est Ugo. Je suis très reconnaissante à tous les deux pour m’avoir fait découvrir le monde de Nice Fictions.

Et quel monde ! Je suis devenue active dans le cercle des festivals et des conventions de France il y a deux ans, à l’époque du cataclysme du Brexit, et j’ai rapidement retrouvé ma tribu dans les conventions de jeux de rôle aux Utopiales, à Au-delà du Dragon, aux Chimériades, à la Comédie du Livre. Mais ce n’était vraiment que le week-end dernier, à Nice Fictions, que j’ai pu aussi me connecter à ma tribu dans le monde de la fiction en France. Et c’était une joie absolue.

Le moment où tout s’est illuminé a été samedi soir. Giulio (Giorgini) animait « Une rencontre avec Sarah Newton », moment très flatteur avec présentation Powerpoint de mon parcours d’écrivain – et, tout d’un coup, dans la discussion qui s’en est suivie, je suis devenue consciente d’avoir trouvé ma tribu, d’être parmi les miens, d’être soutenue et bercée par des âmes sœurs.

Ce week-end j’ai pu faire la connaissance de Nathalie Dau, invitée d’honneur du pôle de la fiction et auteure des deux tomes du “Livre de l’Énigme” que j’ai lus en janvier-février et beaucoup aimés. Elle est adorable – esprit profond, sensible, véritable artiste – et j’attends le troisième tome de ce cycle bouleversant avec impatience. J’ai pu revoir Olivier Sanfilippo, le féliciter sur le succès de sa campagne de financement participatif de L’Empire des Cerisiers, et d’admirer encore une fois sa cartographie glorieuse pour la nouvelle édition de RuneQuest – Roleplaying in Glorantha. J’ai rencontré l’écrivain Léo Lallot, avec lequel j’ai immédiatement ressenti un lien spirituel – nous avons tous les deux passé des années en Orient, et je vois dans ses yeux que nous avons été forgés dans des feux similaires… J’ai pu faire la connaissance de l’écrivain Éric Picholle, qui m’a redonné l’envie de lire Anne McCaffrey, et d’Anouk Arnal des Éditions du Somnium, éditrice du fascinant livre Citoyennetés spéculatives, dont Ugo et Giulio m’ont fait cadeau.

Après l’entretien, j’ai rencontré Pierre Gévart, grand homme de la SF française et chef du magazine Galaxies, qui m’a invitée au festival Eurocon à Amiens en juillet, où je rêve déjà d’avoir des expériences aussi passionnantes. Merci infiniment, Pierre, vous m’ouvrez la porte et j’entre, les yeux scintillants.

Tant de beaux souvenirs, de bons moments. Même les annulations de vols ont agi en notre faveur ; dimanche après-midi, au lieu de traîner dans des aéroports, j’ai pu apporter ma modeste contribution à la conférence sur “le Droit et le Transhumanisme”, et parler davantage avec un dynamo créatif, Hélène Marchetto, éditrice et une des âmes dirigeantes du festival.

Je suis rentrée en Normandie lundi, l’esprit changé par ces trois jours à Nice. Je flotte encore. J’ai hâte de répéter cette expérience. Je remercie tous les organisateurs pour leur invitation si gentille, tous les bénévoles pour leur travail essentiel, souvent tard dans la nuit, et tous les membres de notre tribu pour leur soutien et leur accueil si chaleureux. Vous êtes merveilleux.

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