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“Madame Bovary” – Premières impressions

May 21, 2016

bovary(Click here for English version)

Ces derniers 2-3 ans j’ai commencé à lire assez beaucoup en français. D’abord il s’agissait des livres faciles à lire, dans des genres où je me sens chez moi, comme la fantaisie ou la science-fiction. Mais récemment j’ai commencé aussi à vouloir pouvoir écrire mieux en français, pour traduire mes propres écrits ou même pour me lancer dans l’écriture de quelque chose complètement nouvelle en français. J’ai commencé à vouloir acquérir un sens beaucoup plus developpé pour la beauté et la nuance de la langue française.

Voilà pourquoi, il y a une semaine, je me suis mis à lire “Madame Bovary” de Gustave Flaubert. Bien sûr je connais déjà le livre de réputation – je suis grand amateur de la littérature du 19ème siècle, et l’importance et l’impact du premier roman de Flaubert sont difficiles à exagérer. Mais je ne l’ai jamais lu, jusqu’à maintenant.

Ce matin, tout inattendu, j’ai fini le roman. Je pensais que j’avais lu la moitié, mais non – tout d’un coup, j’avais tout fini. Comment ça? Eh bien, bref, en lisant le roman, cette semaine, j’ai été victime de “l’effet Kindle”. C’est la première fois que cet effet étrange – et tellement nouveau – a eu un impact si fort sur mon expérience de lecture. Laissez-moi expliquer…

Quand on lit sur un Kindle, bien sûr, l’affichage du “pourcentage du livre lu” est le seul dispositif à la disposition du lecteur pour jauger son progrès dans le livre. Avec un livre physique, on a les deux parties du livre dans la main – la partie lue, à la gauche; et, à la droite, la partie qui reste à lire (ou à l’envers si on lit en japonais, etc). C’est quelque chose dont on est peu conscient, mais quand même ce petit indice tactile fournit une indication vitale de la quantité des pages qu’on doit encore lire.

Et moi, j’ignorai que plus de 50% du fichier Kindle que je lisais était composé d’articles et commentaires sur le roman…

Alors, en pensant que j’ai lu 43% du roman, je me suis trouvé tout d’un coup au dénouement. Et… je n’étais pas décue. En fait, je sentais un étrange soulagement, qu’il ne me faudrait pas persévérer dans le 57% du roman que j’ai cru restait à lire. Et, en ce moment, je me suis rendu compte que je n’aimais pas “Madame Bovary”…

Laissez-moi reculer un peu. J’aime le français qu’écrit Gustave Flaubert dans “Madame Bovary”. Non – je l’adore. C’est de la pure poésie – c’est une prouesse magnifique d’avoir écrit un roman en 1856 qui exerce son effet littéraire comme s’il était un poème. Ça me rappelle un peu “Eugène Onéguine” de Pouschkine – un roman qui possède en réalité la forme d’un poème long. Dans son premier roman, Flaubert a réussi un vrai exploit littéraire. Mon but, en lisant Madame Bovary, était de m’exposer à un style français beau et fluide, et je l’ai atteint.

Mais… au niveau de l’intrigue, des thèmes, de la nature de “Madame Bovary” en tant que roman? Pas si réussi – pour moi, au moins. Il est évident qu’en 1856 le roman “Madame Bovary” était novateur, même révolutionnaire. Il tient en son coeur un réalisme social qu’on trouve peut-être en Balzac ou dans des oeuvres plus modérées de Dickens, mais lié avec un réalisme psychologique qui rappelle Dostoïevski ou Tolstoï ou même la Naturalisme de la fin du 19ème siècle – quarante ans après. Mais, en fin de compte, ce n’était pas Anna Karenina ou Nastasya Filippovna dont j’ai pensé en lisant Emma Bovary, mais Oblomov. Il y a un cynisme sans lumière salvatrice en Madame Bovary – un sens que la nature humaine est un piège cruel sans issue. Peut-être, en 1856, il fallait le dire, le mettre un lumière, pourqu’on puisse ouvrir le débat sur le destin de l’âme humaine dans l’ère postreligieuse.

Mais, en lisant “Madame Bovary” en 2016, je voulais ce débat, cette lumière, et pas le cri désespéré “de profundis” que j’y ai trouvé. Comme “Oblomov”, je crois que je vais pas lire “Madame Bovary” une deuxième fois…

* * *

Madame Bovary – First Impressions

Over the past few years I’ve begun to read quite a lot in French. First I chose books which were easy to read, which belonged to those genres where I felt particularly at home, like fantasy or science-fiction. But recently I’ve also begun to want to write better French, for translating some of my own stories, or even jumping in and writing something completely new in French. I’ve begun to want to be able to understand its nuances, and to gain a feel for what makes for beautiful French.

That’s why a week ago I set about reading Gustave Flaubert’s “Madame Bovary”. Of course I knew the book by reputation – I’m a huge fan of 19th century literature, and the it’s hard to exaggerate the importance and impact of Flaubert’s debut novel. But I’ve never read it, until now.

This morning, quite unexpectedly, I finished the book. I thought I’d read half of it, but no – suddenly, I’d read it all. How did that happen? Well, simply, this week I fell prey to the “Kindle effect”. It’s the first time this weird – and very new – effect had such a big impact on my experience of reading. Let me explain…

When you read on a Kindle, of course, the “percentage read” display is the only way you can judge how far you are through a book. With a physical book, you’ve got both halves of it in your hand – the part you’ve read, on the left; and, on the right, the part you still have to read (or the other way round if you’re reading Japanese, etc). It’s something you’re not really that aware of, but all the same that little tactile clue gives you a vital indication of the number of pages you still have to read.

This time, I didn’t know that more than 50% of the Kindle file for “Madame Bovary” consisted of articles and commentaries about the novel.

So there I was, thinking I was 43% of the way through the novel, when suddenly I found myself in the denouement. And… I wasn’t disappointed. In fact, I had a weird sense of relief, that I wouldn’t now have to slog through the 57% of the novel I’d thought was still to read. And, at that point, I realised I didn’t like “Madame Bovary”…

Let me back up a bit. I like the French which Gustave Flaubert writes in “Madame Bovary”. No – I love it. It’s pure poetry – a magnificent feat to have written a novel in 1856 which works literarily as if it was a poem. It reminded me somewhat of Pushkin’s “Eugene Onegin” – a novel which actually does have the form of a long poem. Flaubert’s first novel was a true literary achievement. My goal, reading “Madame Bovary”, had been to expose myself to beautiful and fluid French, and I’d done so.

But… “Madame Bovary”‘s plot, themes, its nature as a novel? For me, at least, not such a success. Obviously in 1856 the novel was innovative, even revolutionary. It has at its heart a social realism which perhaps you find in Balzac or in the more moderate works of Dickens, but linked with a psychological realism which recalls Dostoevsky or Tolstoy, or even the Naturalists of the late 19th century – forty years later. But, in the final analysis, it wasn’t Anna Karenina or Nastasya Filippovna I was thinking about when reading about Emma Bovary, but Oblomov. There’s a cynicism with not even a ray of hope in Madame Bovary – a sense that human nature is a cruel trap with no way out. Perhaps that had to be said in 1856 – thrust into the limelight so that we could begin the debate on the destiny of the human soul in the post-religious era.

But, reading “Madame Bovary” in 2016, I wanted that debate, that ray of hope, and not the despairing cry “de profundis” I ended up getting. Like “Oblomov”, I don’t think I’ll be reading “Madame Bovary” twice…

One Comment leave one →
  1. June 1, 2016 6:41 pm

    Voilà une belle découverte de Flaubert 🙂 Votre français est très bon, pas de doute. Oui, Flaubert est profondément cynique et ce n’est sans doute pas l’auteur à lire si on cherche une lumière salvatrice.

    Une des phrases de Flaubert que nombre de petits français apprennent à l’école c’est le célèbre : “Madame Bovary c’est moi”.

    Le cynisme de Flaubert et d’autant plus fort qu’il est à la charnière aussi bien dans l’époque que personnellement entre le romantisme et le réalisme. Et Madame Bovary c’est exactement ça : c’est une sorte de Don Quichotte de l’idéal romantique féminin.

    Elle a de grandes aspirations à l’aventure, au voyage, aux sentiments, mais se confronte à une réalité toute autre.

    Le roman de Flaubert n’est pas si réaliste que cela. Bovary n’est pas une romantique dans un monde réaliste. La fin est trop tragique pour être totalement “réaliste”. Non, Bovary, selon moi, c’est la rencontre du romantisme incarné par Bovary avec le réalisme du siècle par un nostalgique du romantisme, si je puis dire. D’où le cynisme de Flaubert, qui lui aussi est déçu, au fond. Il n’y a pas un tel cynisme chez Zola, par exemple.

    Tout cela est sans doute un peu brouillon, d’autant plus que je n’ai pas lu Bovary depuis une quinzaine d’années ! Mais vous m’avez donné envie de le relire 🙂

    Au passage, merci pour votre très beau blog et vos excellents jeux de rôles !

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